La question qui se pose est : Comment décrire (et interpréter), d'une manière synthétique, les observations qui ont été faites avec l'applet ?
Pour cela, nous allons considérer l'applet comme une "boîte noire" : elle possède une entrée (les paramètres de commande, c'est-à-dire les coordonnées de la souris sur le carré) et une sortie (la couleur bleue ou verte du carré). Comment interpréter le comportement de la boîte noire ? Voici une nouvelle présentation de l'applet (version 2) : L'espace de commande est le carré rose (déplacez la souris dans ce carré rose) et la sortie apparaît dans le rectangle en bas à droite. Cette nouvelle présentation met en évidence la boîte noire entre l'entrée et la sortie. Notre objectif est d'imaginer ce qu'il faut mettre dans la boîte noire pour comprendre les relations qui existent entre les entrées et les sorties.
Essayons de présenter les résultats expérimentaux sur un graphique en trois dimensions.
fig
1 : Les données placées sur une surface déchirée
Quelle surface mathématique peut-elle être ajustée sur les données ? Les mathématiciens n'aiment pas les discontinuités, ils n'aiment pas les surfaces déchirées. Ils aiment les surfaces lisses. Comment retrouver une surface lisse à partir de cette surface déchirée ? La surface est-elle vraiment brisée le long de la déchirure ? Nous pourrions imaginer une surface qui serait seulement pliée et ajouter pour cela un troisième feuillet entre les deux feuillets qui se superposent. De cette manière on obtient ce que l'on appelle une fronce dans le domaine de la couture. Les mathématiciens connaissent cette surface sous le nom de surface de Riemann-Hugoniot ou bien de fronce (cusp, en Anglais). Nous avons bien réussi à obtenir une surface lisse, mais nous avons ajouté un morceau de surface aux données et ce morceau de surface n'est pas accessible par le système.
Une équation pour la surface de Riemann-Hugoniot (dans un sytème de coordonnées x, y, z ) est : z3 - xz - y = 0 , c'est-à-dire, dans le système de coordonnées entrées sorties de la fig. 1 : x3 - bx - a = 0 . Le paramètre b est appelé "splitting factor" (facteur d'écartement), le paramètre a est appelé "normal factor".
Je vais maintenant introduire une fonction de potentiel. Certains systèmes
sont connus sous le nom de systèmes dissipatifs; leur comportement
est commandé par dissipation d'énergie ou de manière
plus générale par minimisation d'une fonction de potentiel.
(**Ici quelques exemples
en physique et en chimie**)
Imaginons que le système que nous étudions (l'applet ou la cellule en train de synthétiser une protéine) est du type qui minimise un potentiel. Comment procède-t-il ? Il fait évoluer son état interne de telle sorte que la valeur du potentiel soit aussi petite que possible. Mais certaines choses sont imposées au système par l'entrée.
Notez bien que l'expérimentateur ne connait pas toutes les valeurs des variables internes. La plupart de ces valeurs lui sont cachées, c'est pourquoi nous avons choisi la méthode de la boîte noire. L'expérimentateur connait seulement l'entrée et la sortie. La sortie correspond aux variables d'état auxquelles l'expérimentateur a accès. L'apport principal de la théorie des catastrophes est celui-ci : un modèle local pour un système qui minimise un potentiel (un système dissipatif) ne nécessite pas de connaitre la valeur du très nombre des variables internes. La complexité des observations est localement contrainte par le nombre des variables observables (la sortie) et le nombre des paramètres de commande (l'entrée).
Le potentiel V est une fonction de x (la sortie) et il est controlé par a et b (l'entrée), ce que l'on peut écrire Va,b(x). Le système peut seulement choisir x en minimisant Va,b(x). Nous savons que le système a deux comportements possibles pour certaines entrées ; donc nous recherchons un potentiel Va,b(x) qui peut avoir deux minima. La foncton la plus simple qui possède ces propriétés est une fonction polynomiale du quatrième degré. Une forme canonique, à partir de laquelle toutes les fonctions à deux minima peuvent être obtenue, est : Va,b(x) = x4/4 - bx2/2 - ax . La surface de Riemann-Hugoniot est l'ensemble des points tels que la dérivé du potentiel est nulle : V'a,b(x) = 0, en d'autres termes, la surface de Riemann-Hugoniot est l'ensemble des minima et maxima de Va,b(x).
La fig. 2 résume tout ce qu'on vient de dire : la surface des données dans l'espace à trois dimensions est l'ensemble des minima d'une fonction de potentiel. La figure montre cette fonction de potentiel pour un seul point de l'espace de commande. Les trois points d'intersection de la ligne grise avec la surface correspondent à deux valeurs de x pour les deux minima et une valeur de x pour un maximum de la courbe Va,b(x) . Le feuillet de la surface qui correspond aux maxima (Le feuillet rouge sur la fig. 2) est inaccesssible au système. Cette partie de la surface agit comme un repoussoir tandis que les autres parties de la surface agissent comme attracteur.
Fig
2
Voyons maintenant la fig. 3. Au milieu, on y voit un carré rose qui représente l'espace de commande. Autour du carré rose, se trouvent cinq graphiques qui montrent la forme de la courbe de potentiel en cinq points de l'espace de commande. L'espace de commande est divisé en deux régions par une ligne noire qui présente un point de rebroussement. Cette ligne est appelée "ensemble de catastrophes" (bifurcation set, en Anglais). C'est l'ensemble des points critiques dans l'espace de commande. Les deux régions séparées par l'ensemble de catastrophes ne contiennent que des points réguliers. Au voisinage d'un point régulier, la forme de la courbe de potentiel ne change pas, ce qui veut dire que le nombre de minima et maximum est constant. Les points critiques sont les points où un maximum et un minimum fusionnent pour disparaître. Ce sont les points de l'espace de commande où l'état du système change brutalement.
L'un des points de l'ensemble de catastrophes n'est pas comme les autres : C'est le point où l'ensemble de catastrophes rebrousse chemin. Pour ce point, les deux minima et le maximum sont confondus. La courbe de potentiel présente un "minimum aplati" ; son équation est V = x4/4 .
Fig
3
Travail en cours: Ici
quelques termes qu'il faut expliquer.
dynamique rapide, dynamique lente, loi de Maxwell, loi du délai parfait
variété d'équilibre
stabilité de position (minimisation de potentiel, dynamique rapide, situation locale)
stabilité structurelle ( dynamique lente, comportement global du système)
attracteur, "repeller", bassin
divergence
hystérèsis
stabilité de position (perturbation de la variable (sortie du système) = perturbation de l'équilibre par apport d'"énergie" qui sera redissipée): impossible à montrer avec cette applet, mais quelquefois possible pour d'autres systemes (voir plus loin la machine de Zeeman ou le culbutot, par exemple).
Une remarque sur les dispositifs expérimentaux qui permettent de contrôler certaines variables: cf excitabilité nerveuse et le contrôle de la dynamique lente dans les expériences de H & H.
On peut maintenant proposer une troisième version de l'applet : le modèle remplace la boîte noire. Le modèle comprend un potentiel Va,b(x), la courbe tracée en rouge, qui est minimisé par le système et une loi de délai parfait qui choisit un minimum lorsqu'il y en a deux. voir cette nouvelle version.
Maintenant vous avez la possibilité de voir les codes sources, si vous le voulez. En fait, ici le modèle (ce que l'on a mis dans la boîte noire) est la même chose que le contenu du système.
En jouant avec l'applet, deux comportements bizarre sont apparus ; ce sont eux qui nous ont fait rechercher un modèle. Le modèle proposé est la fronce et les deux comportements bizarres sont des propriétés de la fronce : la bimodalité et la variation brutale. La fronce a-t-elle d'autres propriétés ? Quelles expériences nouvelles pourrions nous faire à partir de ces propriétés du modèle ?
Lorsqu'on déplace la souris dans le bas de l'espace de commande, de gauche à droite, la couleur de sortie est verte et vire brutalement au bleu. Si on retourne alors vers la gauche, la couleur de sortie ne redevient pas tout de suite verte. Il faut retourner loin vers la gauche pour obtenir brutalement la couleur verte. Ce phénomène est appelé hystérèsis par analogie avec le même phénomène connu dans le magnétisme. Essayer cette propriété avec l'applet. Ce phénomène d'hystérèsis est une propriété de la fronce lorsqu'on lui applique la loi du délai parfait : le système reste dans un minimum local de potentiel tant que ce minimum existe.
L'axe horizontal sur l'espace de commande correspond au facteur normal (normal factor) tandis que l'axe vertical est le facteur d'écartement (splitting factor). C'est le long de cette direction que la surface qui décrit le comportement, est écartée. Pour certains systèmes, les paramètres de commande ne correspondent pas aux directions de "splitting" et de "normal" de la surface; dans ce cas on parle de facteurs de conflit (conflicting factors).
Essayez maintenant de déplacer la souris selon deux chemins différents dans l'espace de commande : ces deux chemins débutent au même endroit en haut au milieu (la couleur de sortie est alors intermédiaire entre le bleu et le vert) et ils aboutissent au même endroit en bas au milieu. Les deux chemins sont l'un près de l'autre, mais le premier part d'abord légérement vers sa gauche, le second d'abord vers sa droite. Bien que les valeurs des paramètres de commande soient identiques aux extrémités respectives des deux chemins, la couleur de sortie a changé de manière continue vers le bleu pour le premier chemin, et vers le vert pour le second. Cette propriété de la fronce s'appelle divergence. Essayer cette propriété avec l'applet.
Cette propriété correspond au fait que la surface des données était déchirée. Un feuillet a été ajouté à cette surface dans le modèle de la fronce. Ce feuillet ajouté correspond aux équilibres instables du système. Si on essaye de placer le système sur un maximum de potentiel, il retourne dans un minimum. Pour vérifier cette propriété, il faut pouvoir perturber la variable d'état (la sortie du système). Il n'y a aucune possibilité de commander la variable de sortie de l'applet, aussi cette propriété ne peut pas être testée avec cette première applet. Les expérimentateurs ont souvent imaginé des dispositifs qui permettent de commander certaines variables des systèmes étudiés. Parmi ces dispositifs on peut citer ceux imaginés par Hodgkin et Huxley pour imposer un potentiel transmembranaire à la fibre nerveuse et pouvoir mesurer les conductances pour le sodium et le potassium.
La machine de Zeeman ou le culbutot permettent de tester la propriété d'inaccessibilité.
Retouner à:
Ce petit jouet fut inventé par E. C. Zeeman . Les références bibliographiques sont : Zeeman E. C. A catastrophe machine. in Towards a Theoretical Biology (C. H. Waddington, ed.). Edinburgh University Press, Edinburgh, 1972, 4: 276-282.
Le même article est repris dans : Zeeman E. C. Selected papers. Addison-Wesley Publishing Company, Reading, Massachussetts, 1977.
Cette machine comprend une planchette et un disque qui peut tourner librement autour de son centre (O). En un point (B), près de son bord sont attachés deux élastiques. L'un des deux élastiques a sa deuxième extrémité fixée en A sur la planchette. L'extrémité (C) de l'autre élastique peut être déplacée sur la planchette; l'espace de commande est donc à deux dimensions. Bien que ce petit jouet soit un instrument pédagogique très efficace, très peu de monde l'a vraiment utilisé car il faut le fabriquer soi-même.Je suis très heureux de vous proposer ici une applet qui simule la machine de Zeeman.
Pour utiliser l'applet de la machine de Zeeman, il faut déplacer lentement l'extrémité C mentionnée ci-dessus: Pour cela, placer le curseur sur ce point, cliquer le bouton de la souris, déplacer lentement la souris, et observer les mouvements du disque. Vous pourrez voir des rotations lentes ou brutales du disque. Vous pouvez essayer de trouver l'ensemble de catastrophes, et vous devez être capables d'interpréter le comportement de la machine: La machine de Zeeman est un système dissipatif qui minimise l'énergie de tension des deux élastiques.
Vous pouvez voir le code source de l'applet.
Une autre manière d'utiliser la machine de Zeeman est de déplacer légérement la position du disque. Pour cela, placer le curseur sur le point B où les deux élastiques sont attachés ensemble, cliquer et déplacer un peu la souris et relacher le bouton; observer le comportement du disque. Rechercher des positions instables pour tester la propriété d'inaccessibilité.
Une référence bibliographique pour cette machine est : Poston T. & Stewart I. - Catastrophe theory and its applications. Pitman London, 1978.
La machine est faite à l'aide de deux morceaux de carton léger fixés ensemble par des entretoises d'égale longueur. La forme du bord des deux pièces est une parabole. Un petit aimant lourd, placé derrière le carton, se colle sur une pastille de fer placée sur le devant; on peut facilement déplacer l'aimant et la pastille.
Pratiquement, la masse de l'ensemble de la machine est celle de l'aimant, on peut donc assimiler le centre de gravité de la machine à la position de l'aimant. Si on laisse la machine se balancer sur son bord, le centre de gravité vient se placer à la verticale du point de contact. Si la machine repose sur un plan horizontal, le plan est tangent au bord et le centre de gravité est placé sur une normale à la parabole.
L'applet se présente sous forme de deux exemplaires du culbutot. Celui de gauche permet de choisir la position du centre de gravité en cliquant dessus et en tirant la souris. Cet exemplaire peut être considéré comme l'espace de commande. L'exemplaire de droite indique la position d'équilibre du culbutot. Vous pouvez essayer de basculer cet exemplaire de droite en cliquant sur lui, en tirant la souris et en relachant le bouton de souris: le culbutot retourne à une position d'équilibre lorsqu'on le relache. Essayez aussi de trouver des positions d'équilibre instable et de tester ainsi la propriété d'inaccessibilité.
Vous pouvez voir le code source de l'applet.